COMMUNICATION du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de Corse

La Corse a besoin du Conservatoire du littoral

Dans les années 1970, les responsables de l’aménagement du territoire (DATAR) font un constat. En France comme dans de nombreux pays, un tropisme vers les côtes attire de nombreuses activités, industrielles, touristiques, se traduisant par un développement accéléré de l’urbanisation. Il y a nécessité d’une intervention publique forte sans laquelle on assisterait à une disparition du littoral naturel.
Et il y a 50 ans, le Conservatoire du littoral voit le jour. Sa mission : contribuer à ce qu’un tiers du littoral national reste naturel. Cet établissement public original achète des terrains sur les bords de la mer et des grands lacs. Une fois acquis, ceux-ci rentrent dans le domaine public de l’Etat, ils deviennent ainsi inaliénables et imprescriptibles. Cette garantie de la préservation définitive des espaces naturels acquis s’accompagne d’une grande proximité avec les territoires. Les interventions du Conservatoire du littoral sont concertées avec les maires, validées par les Conseils des Rivages (entièrement composés d’élus, en Corse, huit conseillers territoriaux et quatre élus de la chambre des territoires). La gestion des terrains est aussi locale, elle est confiée le plus souvent à la Collectivité de Corse ou à l’Office de l’Environnement de la Corse qui emploient une soixantaine de gardes et techniciens assurant la surveillance et l’entretien des sites.
En Corse, les premiers terrains ont été acquis à partir de 1976. Les acquisitions se sont ensuite rapidement développées en bénéficiant d’un contexte favorable : le relatif « retard » du développement touristique ; le fort attachement des Corses à leur patrimoine et à leur identité; les combats citoyens et politiques pour la protection du littoral et contre la spéculation ainsi que l’appui décidé d’élus.
Aujourd’hui c’est près du quart du linéaire côtier de l’île qui est ainsi définitivement préservé avec de très grands espaces s’étendant loin vers l’intérieur des terres (l’Agriate, Campumoru- Senetosa, Bunifaziu), des emblèmes de biodiversité (Scandula, Pointe du Cap Corse, Ricantu, lagunes de la côte orientale) et de nombreux sites discrets ou emblématiques, au total 74
sites représentant 21 700 hectares. Bon nombre d’entre eux sont aménagés de façon simple pour la régulation des flux et un accueil des visiteurs respectueux des paysages et de l’esprit des lieux. Pagliaghji, caseddi, mandrie, moulins, murs, tours littorales, chapelles, oratoires, fours à chaux… sont restaurés. Et souvent, des conventions sont passées avec des agriculteurs pour maintenir leurs activités tout en préservant les milieux.
Au nom de la « simplification administrative » un rapport du Sénat, appuyé par les déclarations du Premier Ministre, prévoit la suppression ou la refonte d’un ensemble d’agences ou d’établissements de l’Etat, dont le Conservatoire du littoral qui serait absorbé par l’Office Français de la Biodiversité. Si cette réforme devait aller au bout, elle ne génèrerait pas d’économie (le Conservatoire ne coûte pas cher, son financement est assuré par la taxe de francisation de bateaux ; l’établissement emploie 140 agents au plan national,
moins de 10 en Corse). Elle engendrerait en revanche une perte d’efficacité car l’acquisition foncière est un métier qui nécessite de penser les choses sur le temps long. La relation de proximité avec les acteurs du territoire serait compromise et c’est sur elle que repose le succès du Conservatoire du littoral autant que l’acceptation sociale de son action.
La Corse a besoin du Conservatoire qui projette de doubler son intervention à l’horizon 2050. Elle en a besoin car la pression spéculative sur le littoral n’a jamais été aussi prégnante ; les collectivités locales en ont besoin pour l’aménagement de leurs territoires.
Le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) de Corse s’adresse à François Bayrou, Premier Ministre, pour qu’il reconsidère ce projet qui va à l’encontre de la préservation de nos côtes, de l’aménagement harmonieux du territoire et des engagements internationaux de la France pour la mise en place de zones de protection.
Le CSRPN de Corse demande à Laurent Marcangeli, Ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, de ne pas s’engager dans une approche technocratique qui tourne le dos à la réalité des territoires.
Le CSRPN de Corse demande à Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la transition écologique, de défendre un Etablissement sous sa tutelle, dont l’efficacité est reconnue bien au-delà des frontières nationales.
Le CSRPN de Corse s’adresse aux parlementaires pour qu’ils pèsent de tout leur poids pour barrer la route à cette mauvaise réforme. Il s’adresse tout particulièrement aux sénateurs qui devraient avoir à cœur de préserver un établissement où les collectivités locales ont une place privilégiée.

Le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de Corse
le 9 août 2025

Promettre MONTE et merveilles !

Nous reproduisons l’article d’ Agnès Simonpietri et Tonì Casalonga  paru dans la revue ROBBA.

https://www.rivistarobba.com/Promettre-Monte-et-merveilles_a437.html

Le projet d’un centre de surtri sur la commune de Monte déchaine de lourdes critiques depuis le lancement de l’initiative, à l’égard tant de la commune que de l’État et de la Collectivité de Corse. Agnès Simonpietri et Tonì Casalonga expliquent ici pourquoi ce type de structure leur paraît voué à l’échec, qui plus est à un échec fort coûteux à tous niveaux.

Piombu, Bastia (détail)

Il y a les mots et il y a les choses. Il y a un discours et il y a les faits, issus des chiffres. Il y a des mots qui flattent et des choses qui ne sentent pas bon.

Pour faire croire que la Corse va enfin disposer de structures capables de régler la question des déchets, le Syvadec avance depuis des années ce projet d’usine-mirage, très coûteux, dont les performances ne pourront être que mauvaises. Le Syvadec n’a, en fait, jamais renoncé à l’incinération qu’il nomme aujourd’hui « valorisation énergétique ». Comme ce vieux curé gourmand qui pour manger de la viande le vendredi devant sa bonne prenait la précaution, avant le repas, de la bénir en disant : carne, si battizata pullastru !

Malgré quelques efforts méritoires mais isolés et sporadiques, les Communautés de communes et surtout d’agglomération n’ont jamais réussi (ou voulu) faire un travail sérieux pour organiser le tri et les collectes. C’est la base d’une bonne gestion, mais il faut y travailler, suivre les exemples qui marchent comme nous l’ont expliqué différents invités (Jacques Muller, Rossano Ercolini, Paul Connett), il faut aller voir en Sardaigne, en Toscane, certaines régions d’Alsace ou ailleurs, mais pas à Monaco ! Le meilleur tri se fait à domicile, nous disent-ils tous, avec un taux de réussite excellent, un coût maitrisé et une gestion publique
Rien de tout cela en Corse ! La population se décourage, voyant que rien n’avance, et elle est tentée de ne plus faire les gestes et les efforts nécessaires à sa santé et à son bien-être.

Alors comme on s’enlise dans les ordures, les grands lobbies internationaux et leurs relais locaux veulent nous faire croire qu’ils volent à notre secours avec leurs solutions miracles ! Ils n’ont jamais lâché, car la Corse est un marché qu’ils veulent absolument arracher.Parce que gérer les déchets est en réalité très rentable, car c’est un service public à la charge des ménages, financé par le biais de la Taxe des Ordures Ménagères prélevée en même temps que la Taxe Foncière. C’est pourquoi les grands lobbies internationaux et leurs relais locaux, y compris les transporteurs, n’ont aucun intérêt à ce que le tri marche !

Le tri condamné

Le procédé industriel qu’ils vont mettre en œuvre à Monte prétend trier mécaniquement les sacs noirs non triés, qui continueront à être collectés majoritairement (près de 60 % des tonnages qui vont arriver à Monte). Il est impossible de recycler ce qui a été jeté en mélange, sauf une faible quantité de métaux, qui sont extraits avec des aimants et autres technologies.
Donc les déchets alimentaires ne pourront pas être compostés (c’est pourtant une obligation légale de les trier à part depuis un an), car dans les sacs fermés ils fermentent et se contaminent avec tout le reste : des résidus de produits chimiques, médicaments, piles, bref tout ce que les gens jettent dans la poubelle sans réfléchir. La chaîne de tri des ordures en mélange va extraire la partie fine et humide par criblage. Puis la faire sécher pour l’enfouir. (au lieu de retourner à la terre, si elle avait été triée en amont et compostée avec du broyat de végétaux). Dans tout le reste en mélange, les emballages seront souillés et ne pourront être acceptés dans les filières de recyclage.

Avec un tri grossier, probablement à la pelle mécanique, ils vont donc sortir ce qui brûle le mieux (plastiques, cartons, textiles), le sécher puis le jeter dans des broyeurs pour fabriquer ce qu’ils appellent des “paillettes”. Ils envisagent de les utiliser après ajout d’autres déchets de déchèteries broyés, comme le bois traité, les mousses de rembourrage de mobilier, matelas, différents plastiques, etc.
Ces paillettes sont les CSR (combustibles solides de récupération) et sont très en vogue car l’Ademe considère que c’est de l’énergie de substitution pour les industries qui ont besoin de chaleur (ce que nous n’avons pas en Corse à notre connaissance). Il y a pour cela des aides de l’État et des projets publics ou privés émergent un peu partout.

De nouvelles dépendances

Les grands lobbies internationaux et leurs relais locaux ont donc mis dans la tête des décideurs trop naïfs qu’il fallait construire des chaudières à CSR pour faire du chauffage urbain. Mais faut-il vraiment créer un réseau de chaleur pour alimenter des logements, autant que possible groupés… peut-être de nouvelles résidences dans la périphérie de Bastia ? Voire à Monte même ?…
Pourtant dans ces zones, on ne chauffe pas beaucoup. Donc et de plus, lors des périodes fraîches, cette usine miracle pourrait produire de l’eau chaude sanitaire et avec la chaleur des chaudières, en utilisant de la vapeur d’eau pour faire tourner des turbines, faire de l’électricité (cogénération) et l’injecter dans le réseau EDF. Hélas, c’est faux car toutes les études montrent que cela revient très cher et que ce n’est absolument pas rentable de produire de l’énergie de cette façon.

Mais une fois le besoin créé, donc la dépendance, pour le chauffage en hiver, il faudra toujours trouver de quoi alimenter les chaudières. Il faudra donc sécher et broyer un maximum de déchets. C’est ainsi que fonctionnent en France les gros incinérateurs urbains. Sans parler des pays nordiques, qui sont maintenant obligés d’importer des déchets pour les remplir. Ce serait le comble du ridicule que pour régler la question des déchets la Corse en soit réduite à en importer du continent !
C’est pourquoi cette usine, dont les capacités sont surdimensionnées (en se basant sur les taux de tri de 2018, 31 % de tri en comptant ce qui est apporté en déchèteries et par conséquent 69 % d’enfouissement) s’oppose à la réduction des déchets et au tri pour recyclage et compostage. Il faut dire aussi que l’industrie alimentaire, poussée par les lobbies de l’industrie pétrolière, crée toujours plus d’emballages au lieu de les réduire !

Ce qui amène les citoyens, qui se sont battus contre les essais nucléaires à l’Argentella, contre les boues rouges, contre les turbines au fioul du Vazziu et contre l’incinérateur de Venaco, etc. à se poser deux questions :

  • Pourquoi faire compliqué en passant par le techno-solutionnisme industriel quand on peut faire simple : tri à domicile et bonne organisation de collectes, comme la Communauté de Communes de Calvi-Balagna a commencé à le faire ?
  • Pourquoi payer cher pour un très mauvais service quand il y a la possibilité de faire plus économique, et plus écologique, comme le font nos voisins sardes et toscans ?

Et à envisager que la réponse pourrait être :

  • qu’il s’agit d’assurer le maintien des ressources des transporteurs qui vont continuer à transporter des déchets non triés (80 % d’eau dans le déchets alimentaires)
  • et surtout de créer des profits pour l’exploitant (privé) de l’usine et les lobbies (industriels) à partir de fonds publics : l’État compte financer Monte à 80 %.

Agnès Simonpietri et Tonì Casalonga

REJETS DES NAVIRES ÉQUIPÉS D’ÉPURATEURS DE FUMÉES –

Rejet de métaux traces et de HAP provenant des navires équipés d’un système d’épuration des gaz d’échappement (EGCS)

Dans ce contexte, il existe un besoin croissant d’élaborer et d’améliorer les méthodes d’évaluation des rejets de polluants par les épurateurs et la surveillance régulière de cette pollution chimique transférée de l’air aux eaux marines. Dans le présent rapport, l’accent est principalement mis sur les rejets d’émissions de métaux lourds et de HAP, deux groupes de contaminants des gaz d’échappement des navires, qui ont été moins étudiés et réglementés. En substance, la méthode proposée pour l’évaluation des rejets d’émissions des épurateurs est construite sur la même base que les méthodes approuvées développées pour les gaz à effet de serre (GES) et les principaux inventaires d’émissions de polluants atmosphériques du transport maritime. À cet égard, l’approche proposée est basée sur les estimations utilisant les facteurs d’émission de polluants, les volumes et les débits d’eaux de lavage, les efficacités supposées de piégeage des épurateurs, la consommation de carburant du navire et la demande énergétique. L’étude de cas de l’estimation des rejets de métaux et de HAP est proposée pour le modèle de ferry Ro-Pax – scénario un navire et son exploitation en conditions réelles entre deux ports, Marseille et Ajaccio (France). Une projection à plus grande échelle est également présentée, comprenant les rejets potentiels de polluants par les EGCS de la flotte de 11 navires Ro-Pax opérant également dans les bassins du Golfe du Lion et de la mer Ligure, entre la France métropolitaine et la Corse. De plus, s’appuyant sur les travaux récents d’Osipova et al. (2021) sur l’évaluation globale de la masse des rejets d’eaux de lavage des navires utilisant des épurateurs, notre rapport fournit différents scénarios de charges d’eaux de lavage et de polluants dans la Zone Économique Exclusive (ZEE) française. Les calculs sont présentés pour l’ensemble de la ZEE française ainsi que pour la ZEE méditerranéenne française et ses ports du Golfe du Lion (GdL) et de la Corse.

Français Il apparaît qu’en France environ 75 % des rejets d’eaux de lavage des épurateurs se produisent au-delà de la mer territoriale de 12 milles nautiques, tandis que 15 % sont rejetés dans les mers territoriales (MS), 6 % dans les eaux intérieures (EIE) et 4 % dans leurs ports. La distribution des charges polluantes suivra les rejets d’eaux de lavage. Les quantités de polluants s’élevant à des centaines et des milliers de kilogrammes de principaux métaux (V, Fe, Ni, Zn) et de HAP rejetés chaque année par une flotte donnée de 11 navires Ro-Pax dans la mer Méditerranée occidentale entrent dans la même catégorie que d’autres apports et émissions environnementaux à grande échelle de ces composés. Les charges potentielles annuelles estimées d’EGCS dans le golfe du Lion et la mer Ligure sont comparables aux quantités de vanadium, de nickel et de ƩPAH16 déversées lors de marées noires majeures ou au flux annuel de HAP du Rhône entrant dans le golfe du Lion. Ces estimations indiquent clairement que les eaux de lavage des épurateurs de navires peuvent représenter une source importante de polluants entrant dans la mer Méditerranée occidentale.

Mot(s)-clé(s)

Épurateurs de navires , eaux de lavage , gaz d’échappement , émissions et rejets de contaminants , mer Méditerranée , golfe du Lion , mer Ligure , facteurs d’émission de polluants , métaux lourds , hydrocarbures aromatiques polycycliques , HAP , EGCS.

Climat et environnement – 2024 en Europe

Faits marquants du rapport – Copernicus – ONU  – 15 avril 2025

ONU Photo/Eskinder Debebe
Lagon glaciaire de Jökulsárlón dans le sud-est de l’Islande
  • Température : 2024 a été l’année la plus chaude pour l’Europe, avec des températures annuelles record dans près de la moitié du continent.
  • Température surface de la mer : Pour l’ensemble de l’année, cette température a été la plus élevée jamais enregistrée dans la région européenne (0,7°C au-dessus de la moyenne) et dans la mer Méditerranée (1,2°C au-dessus de la moyenne)
  • Précipitations : Les précipitations ont été très contrastées entre Est en Ouest. L’Europe occidentale a connu l’une des dix années les plus humides de la période analysée depuis 1950
  • Inondations : L’Europe a connu les inondations les plus étendues depuis 2013. Près d’un tiers du réseau fluvial a connu des inondations dépassant au moins le seuil d’inondation « élevé ». Les tempêtes et les inondations ont touché environ 413.000 personnes en Europe et ont fait au moins 335 victimes
  • Stress thermique : Le nombre de jours de « fortes », « très fortes » et « extrêmes » chaleurs a été le deuxième plus élevé jamais enregistré. 60 % de l’Europe a connu plus de jours que la moyenne avec au moins un « fort stress thermique »
  • Les énergies renouvelables : La proportion d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables en Europe atteindra un niveau record en 2024, avec 45 %
  • Extrêmes de froid : La superficie des terres européennes ayant connu moins de trois mois (90 jours) de jours de gel est la plus importante jamais enregistrée (~69 %, la moyenne étant de 50 %)
  • Stress dû au froid : Le nombre de jours avec au moins une « forte contrainte de froid » a été le plus bas jamais enregistré
  • Glaciers : Toutes les régions d’Europe ont connu une perte de glace ; les glaciers de Scandinavie et du Svalbard ont enregistré les taux de perte de masse les plus élevés jamais enregistrés
  • Incendies de forêt : En septembre, des incendies au Portugal ont brûlé environ 110.000 ha (1100 km2) en une semaine, ce qui représente environ un quart de la surface totale brûlée annuellement en Europe. On estime à 42.000 le nombre de personnes touchées par les incendies en Europe.