Communiqué de presse Scandola 18 mars 2019
LA RÉSERVE DE SCANDOLA, UN JOYAU EN PERDITION !
Après des décennies d’inaction, la Réserve naturelle de Scandola est dans une situation critique du fait de la surfréquentation touristique.
LE CONSTAT EST SANS APPEL : LA BIODIVERSITE S’EFFONDRE DANS LA RÉSERVE.
Toutes les études scientifiques attestent du lien direct avec les dérangements créés par les 500 mouvements de bateaux quotidiens constatés en saison.
Le taux de reproduction des balbuzards pêcheurs est catastrophique ces dernières années.
L’état du milieu marin est lui aussi très alarmant avec un déclin particulièrement rapide des poissons et autres organismes marins, conséquence directe des nuisances sonores des bateaux et des gaz d’échappements dissous dans l’eau.
Les grottes marines sont polluées par les hydrocarbures, les trottoirs uniques de lithophyllum sont en voie de disparition et les herbiers de posidonies sont affectés par les ancrages sauvages.
Les bateaux ne respectent pas la vitesse limitée à 5 nœuds, les débarquements sur la plage d’Elbo sont quotidiens malgré l’interdiction, les nuisances sonores du fait des haut-parleurs et de la musique sont permanentes.
Qui se souvient des phoques-moines qui occupaient Scandola ?
Aujourd’hui, La disparition des espèces est une réalité !
Nous ne méconnaissons pas l’impact du réchauffement de l’eau de mer, mais nous avons au moins une possibilité d’action sur l’effet de la présence humaine.
En 1988, on comptabilisait environ 30 000 visiteurs par an contre plus de 150 000 aujourd’hui, sans qu’aucune mesure effective de régulation n’ait été prise !
Malgré tous les niveaux de protection régionaux, nationaux, européens et mondiaux, la Réserve de Scandola est le pire endroit de la côte Corse pour la vie sauvage.
Devant l’urgence de la situation, 9 associations de défense de l’environnement de Corse ont saisi le Ministre de la Transition écologique pour la mise en œuvre de mesures d’urgence dès l’été 2019 avec l’instauration d’une zone d’interdiction totale de toute présence humaine dans la réserve intégrale à moins de 350 m des falaises.
La copie de cette lettre a été adressée à Madame la Préfète de Corse et au Président de l’Office de l’Environnement de la Corse.
Ce véritable désastre écologique est notoire de longue date sans qu’aucune mesure de sauvegarde n’ait été prise, c’est un géant du patrimoine environnemental de Corse qui disparait sous nos yeux dans un silence assourdissant au nom d’une économie éphémère parce que prédatrice des milieux, et une fois encore ce sont les associations de protection de l’environnement qui doivent se faire les avocats d’une Nature en voie de disparition en Corse !
ABCDE, ADN Passpartou, Aria Linda, A Sentinella, La Ligue contre le cancer, Le Garde, Global Earth Keeper, U Levante, Zeru Frazu
P.J. : copie de la lettre du 11 mars 2019 adressée au Ministre de la Transition écologique.
Voici notre lettre au Ministre de l’Environnement.
Monsieur François de RUGY
Ministre de la transition écologique et solidaire
246, boulevard St Germain 750007 PARIS
Au nom des associations de protection de l’environnement suivantes :
U LEVANTE, ABCDE, ZERU FRAZU,
ARIA LINDA, A SENTINELLA, ADN PASSPARTOU,
GLOBAL EARTH KEEPER, le GARDE
LA LIGUE CONTRE LE CANCER.
Objet : Mesures urgentes de protection de la Réserve de SCANDOLA en Corse.
Monsieur le Ministre,
Les associations de protection de l’environnement de Corse, ABCDE, Aria Linda, A Sentinella, Le Garde, Global Earth Keeper, Adn Passpartou, U Levante, Zeru Frazu et La Ligue contre le cancer ont l’honneur de vous adresser ce courrier assorti d’une pétition en ligne paraphée par plus de 27 000 personnes au 1er mars, afin d’attirer votre attention sur la situation catastrophique de la Réserve Naturelle de SCANDOLA en Corse.
Cette Réserve est gravement impactée par la surfréquentation touristique, et nous sollicitons votre intervention pour l’instauration d’une zone d’exclusion, incluant la Réserve intégrale actuelle, de toute navigation et activités nautiques de 300 mètres afin de sauvegarder ce joyau du patrimoine environnemental de la Corse.
Située dans le Sanctuaire des Pélagos, la partie marine de la Réserve est désertée par les poissons et autres animaux marins, en raison du fort dérangement et de la pollution sonore. Sur terre, le taux de reproduction des balbuzards pêcheurs y est proche de zéro. Aujourd’hui, la situation est pratiquement revenue à celle qui a prévalu à la création du Parc naturel régional de la Corse en 1972, il y a donc 46 ans ! A cette époque le balbuzard était en voie de disparition du fait du braconnage et du vol d’œufs dans les nids pour des collectionneurs. Toutes les études scientifiques sur les balbuzards convergent pour identifier la surfréquentation touristique de la Réserve comme directement responsable de cette situation. (Etudes du CNRS et autres organismes scientifiques en P.J).
Il est important de signaler que le Comité scientifique de la réserve naturelle de Scandola,
comme par une curieuse coïncidence, ne s’est pas réuni depuis deux ans.
De ce fait c’est aussi le Comité Consultatif (l’instance décisionnelle de la réserve) qui ne s’est pas réuni depuis deux années. Bizarrement au moment où le gestionnaire a un besoin impératif et essentiel de conseils éclairés et incontestables d’experts de renommée internationale pour définir des capacités de charge et d’un seuil de tolérance de l’espace qu’il doit gérer de manière précise et urgente avec des mesures conservatoires… Ces avis et conseils font cruellement défaut.
Comment interpréter cet état de fait ? Non-assistance à Biodiversité et économie en danger…ou « mains basses » sur le Patrimoine Universel sans protection ?
La réserve naturelle de Scandola bénéficie pourtant d’un nombre important de labels et protections : Réserve naturelle, Aire marine protégée, Conservatoire du littoral, Znieff, Natura 2000, Patrimoine mondial de l’Unesco, Diplôme européen des espaces protégés.
Le diplôme européen des espaces protégés a été décerné à Scandola en 1995.
Le texte d’attribution de ce diplôme faisait déjà mention de l’absolue nécessité de réguler le flux touristique en mer. A chaque renouvellement du diplôme européen, les mêmes points et recommandations sont listés, sans qu’aucune mesure ne soit jamais prise, alors qu’on aurait pu instaurer un système de licence afin de limiter le nombre de bateliers ou de sociétés de location. Ce diplôme européen doit être renouvelé en 2020.
Un expert mandaté par l’UE, Olivier Biber, ornithologue suisse, est venu en Corse en juillet 2018 pour une évaluation de la situation. Son rapport est sans appel, en voici un extrait :
« Le 20 juillet, j’accompagne M. Dominici dans une sortie en mer (de 09 h 30 à 13 heures) pour me rendre compte des problèmes de surveillance. Je peux observer, rien que dans la Baie d’Elbo une circulation intense d’embarcations de tous genres (notamment bateaux de visiteurs de tailles variables, petites embarcations de location) ainsi qu’une dizaine de bateaux de plaisance (à moteur et voiliers) mouillant dans la baie ; en trois heures sur place, j’estime le nombre d’embarcations différentes à plus de 100. Au moins 50 embarcations stationnent ou passent immédiatement sous le nid de balbuzards, les deux adultes étant en permanence en train d’appeler (M. Dominici, connaisseur du balbuzard, précise qu’il s’agit essentiellement de cris d’alerte) ; ce couple a perdu son jeune en début d’été suite aux dérangements.
Ce qui me frappe le plus négativement est le comportement des bateliers devant les grottes : ils arrivent à pleine vitesse afin de se placer de manière à pouvoir entrer dans les grottes les premiers. Plus de 90 % des embarcations se déplacent avec une vitesse excédant de loin les 5 nœuds qui correspondent à la vitesse maximale autorisée dans les 300 m de la côte. Durant les trois heures sur place, M. Dominici aurait pu dresser plusieurs dizaines de procès- verbaux pour des contraventions en plus des excès de vitesse, nous observons plusieurs cas de pêche à la ligne à partir de bateaux en T-PVS/DE (2019) 2 – 12 *- mouillage, trois groupes de baigneurs installés sur la plage de la Marina d’Elbo alors que le panneau interdisant le débarquement est très bien visible. M. Dominici a aussi informé plusieurs équipages de bateaux de plaisance en quête d’une place pour mouiller qu’ils veuillent bien jeter l’ancre aux endroits sablonneux pour épargner les herbiers. Le travail de surveillance est très stressant, la réaction des personnes interpellées parfois agressive. Pour être en mesure de surveiller convenablement ce qui se passe sur l’eau dans la réserve, il faudrait doubler les effectifs des gardes (donc passer à 12) et un bateau supplémentaire (donc 3 en tout), en période estivale. »
* Référence à un document de la Convention de Berne de 1979 consacrée à la protection de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe.
M. Biber a rencontré toutes les personnes autorisées à intervenir dans ce domaine, la mesure proposée est l’extension de la Réserve, projet qui est à l’étude depuis de nombreuses années, mais la décision en est toujours reportée.
Nous sommes bien sûr favorables à l’extension de la Réserve de Scandola, mais nous soulignons que cela ne changera pas la situation au cœur de la Réserve.
L’extrait du rapport de M. Olivier Biber montre bien que les gardes du Parc ne peuvent faire face aux multiples infractions commises chaque jour, et nous sommes convaincus que le triplement du nombre de gardes (proposé par M. Biber) ne serait pas davantage efficace, sauf à renforcer les moyens coercitifs par une stricte réglementation comme le propose le PNRC sur le projet d’extension de la Réserve.
Alors que les semi-rigides ultra rapides se multiplient, que le «whale watching» est érigé en argument commercial, comment contrôler la vitesse limite de 5 nœuds de chaque bateau, nous ne sommes pas là sur un bord de route ! Quid du bruit, des hauts parleurs, des sonars dont l’écho rebondit sur les parois rocheuses, des groupes électrogènes, des gaz d’échappement, des débarquements sur la plage d’Elbo, des mouillages sur les herbiers de posidonies…
L’un des membres de notre association s’est rendu à Scandola en kayak le 3 mai 2017, donc en avant saison, voici son récit :
« J’approchais maintenant des falaises de la Punta Palazzu qui me surplombaient de près de 200 m. Malheureusement en ce début mai, il n’y a pas que la nature qui s’éveillait, l’activité touristique aussi. Plusieurs bateaux étaient déjà dans la grotte marine qui empestait les gaz d’échappement. Le ballet nautique ne faisait que commencer. Un hors-bord avec quatre personnes à bord était équipé de deux moteurs de 300 CV ! C’est la tendance aujourd’hui, avec des moteurs surpuissants, ainsi le nombre de rotations commerciales depuis Porto ou Sagone est optimisé. Des observateurs ont compté plus de quatre cents dérangements de balbuzards par jour ! Les adultes s’envolent trop fréquemment du nid, laissant les oisillons sans protection, exposés à un soleil mortel. Le constat est simple et les remèdes évidents et que croyez-vous qu’on fit ? Sans parler de ce qui se passe sous la mer : bruits, gaz d’échappement, tout ça impactant les poissons, les crustacés et les coraux…A tel point qu’il y a davantage de poissons hors de la Réserve qu’à l’intérieur.
J’ai fait le tour de l’îlot de Gargallo encore bien fréquenté par les goélands et plus loin j’ai croisé un bateau de touristes de 40 passagers environ, le guide commentait la visite avec un haut-parleur à pleine puissance. J’ai aussi constaté que deux hors-bord avaient jeté l’ancre devant la marine d’Elbo, ses occupants étaient sur la plage malgré le grand panneau interdisant le débarquement, sur un des bateaux son propriétaire qui se baignait avait mis la musique à fond.»
Pour compléter ce panorama, il nous semble nécessaire d’y inclure la presqu’île de Scandola, qui, pour sa partie terrestre est complètement interdite d’accès. Le Parc Naturel Régional de la Corse avait prévu d’y installer des caméras de surveillance qui devaient être financées par la Principauté de Monaco. Mais l’opération ne s’est pas faite… sans doute pour qu’on ne puisse pas voir et enregistrer le massacre en direct !
Sur la presqu’île, la densité du maquis est particulièrement inextricable empêchant toute randonnée pour un marcheur moyen. Les seules traces visibles sont celles des vaches et des chèvres « maronnes », qui témoignent du passé pastoral de cette zone.
Le PNRC aurait même envisagé de réguler cette présence animale estimant que la pression était trop forte pour la végétation et les espèces endémiques uniques au monde (comme Armeria soleirolii).
Force est de constater que pour « protéger » le maquis, le PNRC a envisagé des mesures radicales, alors que depuis 40 ans, pour protéger la faune marine et l’avifaune ce ne sont que promesses et atermoiements et qu’on ne peut que déplorer la constante augmentation des rotations des navires qui sont passées de 8 dans les années 80 à 500 rotations par jour ces trois dernières années.
Le maintien d’une réglementation obsolète et inadaptée a laissé et laisse la place à un développement exponentiel et anarchique.
Comment peut-on rester dans un laxisme et un immobilisme devant un tel désastre écologique et bientôt économique ? Est-ce digne d’un grand pays comme la France qui se targue d’écologie, d’économie durable et d’humanisme…
Une telle pression sur les milieux n’est plus acceptable, sauf à compromettre irrémédiablement les qualités environnementales de cette réserve reconnues tant au niveau mondial qu’au niveau européen.
Les scientifiques estiment qu’une distance minimum de 300-350 m des nids est nécessaire pour préserver les balbuzards et leur reproduction. Sans perdre de vue que derrière le « bio- indicateur balbuzard », il existe tout un cortège d’espèces d’une importance aussi forte que l’espèce indicatrice qui donne l’alerte de l’effondrement de la biodiversité.
Il est impératif de réagir pour sauver un pan du Patrimoine Universel dont l’État a la responsabilité !
Au vu de ce constat sans appel, il nous semble légitime de solliciter votre intervention pour l’instauration de mesures exceptionnelles et conservatoires dès l’été 2019 pour interdire totalement toute activité humaine sur la partie marine de la Réserve tel que cela existe déjà pour la partie terrestre.
En sauvant cette ressource et cette richesse inestimables vous rendrez plus durable le générateur de l’économie de la Corse et l’image de notre pays !
Nous sommes tout à fait conscients de l’importance de l’activité économique qui est liée à Scandola, mais nous n’en serions pas là si les mesures adéquates avaient été prises plus tôt.
Les promenades en mer peuvent très bien se faire à bonne distance des falaises, d’où on a d’ailleurs une meilleure vue d’ensemble sur ce site exceptionnel.
Nous espérons sincèrement votre implication la plus totale dans ce dossier afin que la France signataire de la Convention de Berne de 1979 respecte ses engagements et nous vous en remercions.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération la plus respectueuse.
Par délégation,
La Direction Collégiale du GARDE
La pétition lancée le 22 janvier 2019 a recueilli plus de 27 000 signatures du monde entier, une opération d’envoi de cartes postales aux décisionnaires est aussi en cours.
https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/sauvons-scandola/58754
Pièce jointes :
Résumé article de l’étude du CNRS de 2018
Rapport de M. Biber pour UE
Résolutions concernant le renouvellement du diplôme européen de 2005 et 2010
Publication sur le site de U LEVANTE du 18 juillet 2018 : http://www.ulevante.fr/scandula-en-etat-durgence-lexecutif-et-letat-doivent-etablir-un-quota/
Copie à Mme la Préfète de la Région Corse Copie à Mr le Président de l’OEC,