Comment protéger l’océan ?

Face à l’effondrement de la biodiversité et aux menaces croissantes qui pèsent sur l’océan, la gouvernance internationale se réinvente pour protéger ce vaste écosystème. Mais jusqu’où le droit peut-il aller ? Comment assurer une protection internationale ?

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Depuis un siècle, le droit de l’océan ne cesse de s’étoffer

Aux origines du droit de la mer

Le droit de la mer est particulièrement ancien ! Il nait des relations internationales, et plus particulièrement de l’échange commercial par les voies maritimes. À ce moment-là, la mer est le support de toutes relations entre États : le droit qui y est associé est un droit de l’échange. On considère que le premier texte juridique évoquant un droit de la mer date de l’Empereur Justinien 1 (483-565). En droit romain, on considère les mers comme des espaces communs pour l’humanité (communes omnium naturali jure), tout comme les fleuves, rivières ou encore l’air. Chacun peu en jouir, mais ces espaces ne sont la propriété de personne, et personne ne peut en tirer un profit exclusif.

En 1493, le pape Alexandre VI met en place le premier essai encadrant la souveraineté des eaux dans sa bulle « Inter cætera« . Ce texte est publié un an après l’arrivée de Christophe Colomb dans les Amériques, alors que de nombreux territoires se voyaient répartis entre les pays européens. S’en sont suivis le traité de Tordesillas, en Espagne, qui fixa le méridien du même nom à 370 lieues des îles du Cap-Vert et divisa la propriété des eaux entre l’Espagne et le Portugal. Plus tard, le traité de Saragosse marque les premières vraies revendications concernant la propriété des zones maritimes des autres États. Il vise à donner une zone exclusive à chaque État, que ce soit pour naviguer ou pour y installer des activités, sans qu’ils aient besoin de l’autorisation de l’Espagne ou du Portugal.

Un tournant majeur dans les théories juridiques maritimes est la publication en 1609 par Hugo Grotius de Mare liberum, un ouvrage qui propose que la haute mer soit libre, tel un bien commun, tandis que seules les zones côtières ne devraient appartenir aux États. Le philosophe détaille dans son ouvrage que l’eau est un élément libre dont personne ne peut contrôler l’usage. La même année, le roi d’Angleterre change la législation concernant les eaux côtières afin d’empêcher aux étrangers d’y pêcher.

Alors que l’on jugeait depuis 1702 la zone exclusive d’un État à la portée d’un boulet de canon, en 1782, Ferdinando Galliani propose dans son « Droit de la mer en temps de guerre » d’établir une distance fixe de 3 miles nautiques (soit environ 5,5 km) à partir du tracé des côtes pour cette zone. Cette mesure, adoptée par les grandes puissances navales, est restée.

Un vétérinaire se prépare à nettoyer une tortue recouverte de pétrole après une marée noire dans le golfe du Mexique  © NOAA Photo Library

Un droit de protection du milieu marin qui se définit en réaction à des catastrophes écologiques

Le droit de la mer a d’abord été élaboré pour réguler les relations des États en mer, notamment les zones de compétences et les conditions de navigation pour le transport et la pêche. Les enjeux majeurs concernant sa conservation sont apparus surtout dans la seconde partie du XXe siècle. Alors qu’en 1958, quatre premiers traités internationaux concernant les droits de la mer sont proposés, il faudra attendre le naufrage du pétrolier Torrey Canyon en mars 1967 et la marée noire qui l’a suivi pour que soient évoquées avec plus de précision la protection du milieu marin contre les accidents en mer. C’est dans la convention internationale de Montego Bay sur le droit de la mer (1982) que sont précisées les notions de mer territoriale, de ZEE 1 (zone économique exclusive), de plateau continental, de grands fonds marins et de haute mer. Surtout, elle définit des régimes juridiques concernant l’exploitation des ressources marines (qu’elles soient biologiques ou non), et met en place un Tribunal international du droit de la mer.

Progressivement, le droit devient d’avantage un droit d’anticipation des risques et des pollutions : on légifère pour éviter les atteintes à l’environnement marin. Des conventions internationales ont complété les cadres concernant la gestion de l’océan ainsi que le partage des compétences et des responsabilités entre États et pour l’ensemble de la communauté internationale. À titre d’exemples, les 3 Conventions de Rio (1992) visent à protéger la diversité biologique, à lutter contre les changements climatiques et contre la désertification.

Enfin, suite à la prise de conscience de l’effondrement de la biodiversité, la COP 15 a mené à l’adoption d’un cadre mondial de la biodiversité (appelé accord de Kunming-Montréal). Celui-ci prévoit une protection de 30 % des zones côtières, marines et des eaux intérieures d’ici 2030.

Un droit sectoriel et régional qui atteint ses limites

À ces conventions internationales d’ambition mondiale s’ajoutent des conventions régionales ou sectorielles réglementant les usages de l’espace maritime avec des objectifs particuliers (lutte contre les différentes pollutions, contrôle de la pêche…) ou circonscrites à une zone géographique donnée. L’Organisation Maritime Internationale (OMI) propose par exemple en 1974 et 1978 des conventions autour de la sécurité lors du transport en mer, tandis que d’autres organisations encadrent la pêche, l’aquaculture, etc.

Cette multiplicité de conventions relatives à une zone, à un sujet ou une situation pose cependant quelques limites. En effet, les politiques nationales sont très inégales (notamment car les États disposent de moyens très différents en termes de surveillance), et leurs politiques internes peuvent contredire les réglementations imposées par des instances internationales.

Quel avenir pour la protection de l’océan ?

Vers une gouvernance mondiale

L’augmentation du nombre de politiques maritimes liées à des accords internationaux illustre parfaitement la volonté de renforcer une vision globale de la protection de l’océan, tout en conciliant un maintien de son état écologique, la transition énergétique, ainsi que le développement économique des États littoraux. Le droit est ainsi l’expression d’une prise de conscience collective liée à l’urgence écologique, et exprime le projet d’une société : la sauvegarde de l’environnement s’érige dorénavant en sujet global, qui ne saurait être traité qu’en proposant une approche de l’océan comme un « tout », et non comme la somme d’espaces compartimentés. L’océan n’est ainsi plus une addition de zones distinctes, mais en écosystème entier qu’il convient de protéger de façon totale.