La pollution de l’air est l’un des défis environnementaux et de santé publique les plus urgents en Europe. Pour assurer la croissance continue des données et des services d’observation de la Terre (OT) de Copernicus, la Commission européenne élargit la constellation Copernicus avec de nouvelles missions satellites en 2024 et 2025. Parmi elles, Copernicus Sentinel-4, dont le lancement est prévu à l’été 2025, sera la première mission géostationnaire de surveillance de la qualité de l’air en Europe, fournissant des données horaires à haute résolution sur des polluants tels que l’ozone (O₃), le dioxyde d’azote (NO₂), le formaldéhyde (HCHO) et le dioxyde de soufre (SO₂).
Contrairement aux précédentes missions Sentinel, Sentinel-4 ne repose pas sur son propre satellite mais sur une charge utile hébergée à bord du satellite MTG-Sounder d’EUMETSAT, fonctionnant aux côtés de l’instrument Infrared Sounder (IRS). Cette approche innovante et efficace, « un satellite, deux missions », permet une surveillance continue de la qualité de l’air en parallèle des observations météorologiques, fournissant des données cruciales sur la composition atmosphérique pour améliorer les prévisions de pollution, soutenir les initiatives politiques et contribuer aux efforts visant à atténuer les risques sanitaires liés à la pollution.
Avant son lancement, une visite de la salle blanche à Brême offre aux principales parties prenantes une dernière opportunité de voir Sentinel-4 et le satellite MTG-S avant de se lancer dans leur mission.
Le défi croissant de la qualité de l’air
L’air pollué a un goût âcre, chargé de gaz d’échappement et de poussière. Il persiste dans la gorge, tel un agresseur silencieux qui pénètre profondément dans les poumons, serre la poitrine, pique les yeux et laisse des millions de personnes à travers le monde avec des difficultés à respirer. Dans certaines villes, la pollution n’est pas seulement un désagrément, c’est une crise de santé publique. Rien qu’en Europe, la mauvaise qualité de l’air serait responsable de près de 600 000 décès prématurés chaque année.
Dans les zones urbaines, les habitants sont souvent exposés à des niveaux de pollution qui réduisent leur qualité de vie et rendent le temps passé à l’extérieur dangereux pour leur santé. Dans le nord de l’Italie, par exemple, l’air stagne souvent, emprisonné par les montagnes environnantes qui encerclent la vallée du Pô au nord, ce qui permet aux polluants provenant du trafic routier intense, de l’agriculture et de l’industrie de s’accumuler. En février 2024, les données du Copernicus Atmosphere Monitoring Service (CAMS) ont montré que les niveaux de PM10 à Milan dépassaient largement les limites saines , de nombreux habitants ayant recours au port de masques faciaux pour réduire les risques d’exposition. Dans toute l’Europe de l’Est, la pollution de l’air est également un problème persistant, certaines villes dépassant régulièrement les seuils de sécurité. En Macédoine du Nord, des niveaux nocifs de pollution de l’air ont récemment déclenché des manifestations , les citoyens exigeant une action urgente contre les émissions de charbon, les gaz d’échappement des véhicules et les polluants industriels.

La mauvaise qualité de l’air résulte de multiples facteurs, notamment la combustion de combustibles fossiles pour la production d’électricité, la circulation routière intense et les émissions industrielles. Cependant, la pollution n’est pas uniquement causée par les émissions directes. Les inversions de température, qui piègent les polluants près du sol, aggravent souvent le smog, en particulier pendant les mois d’hiver, pendant lesquels l’air froid ne peut pas s’élever et se disperser. Des facteurs naturels et liés au changement climatique jouent également un rôle : les tempêtes de poussière sahariennes transportent des particules fines à travers l’Europe occidentale et centrale, augmentant temporairement les niveaux de pollution, tandis que les incendies saisonniers en Europe méridionale et centrale libèrent de la fumée et des polluants atmosphériques qui dégradent la qualité de l’air à la fois localement et dans les régions sous le vent. Ces interactions complexes soulignent la difficulté de suivre et de gérer efficacement la pollution de l’air.
Malgré les efforts déployés pour réduire les émissions, il reste difficile de suivre et de prévoir les événements polluants. Les conditions météorologiques modifient rapidement les polluants et les stations de surveillance au sol, bien qu’essentielles, ne sont pas réparties de manière uniforme en Europe. Sans mesures cohérentes et à haute fréquence, il est difficile de comprendre comment les niveaux de pollution fluctuent au cours de la journée ou comment les émissions provenant de différentes sources interagissent. Sentinel-4 comblera cette lacune en fournissant des données horaires à haute résolution sur la qualité de l’air, permettant une évaluation continue et standardisée des polluants atmosphériques.
Première mission géostationnaire de surveillance de la qualité de l’air en Europe
Avec le lancement de Copernicus Sentinel-4, l’UE renforce sa position de leader mondial dans le domaine de l’observation de la Terre depuis l’espace. Cette mission satellite étend les capacités de Copernicus, en fournissant une surveillance de la qualité de l’air à haute résolution et en temps quasi réel pour soutenir les politiques en matière de santé, d’environnement et de climat.
Contrairement aux précédents satellites Sentinel, Sentinel-4 n’est pas un satellite indépendant mais une charge utile embarquée à bord du satellite MTG-Sounder (MTG-S) d’EUMETSAT. Cette approche innovante « un satellite, deux missions » permet à Sentinel-4 de fonctionner en synergie avec l’instrument Infrared Sounder (IRS), fournissant des données météorologiques et atmosphériques simultanées et colocalisées. Sentinel-4 embarque un spectromètre ultraviolet visible proche infrarouge (UVN), capable de mesurer avec une grande précision les principaux polluants, notamment l’ozone (O₃), le dioxyde d’azote (NO₂), le formaldéhyde (HCHO), le dioxyde de soufre (SO₂) et les aérosols. En outre, la mission intégrera les données de l’IRS d’EUMETSAT, qui contribuent à l’analyse du climat et de la composition atmosphérique, et intégrera ultérieurement les données de l’imageur combiné flexible (FCI) du satellite MTG-Imager.
De plus, les données de Sentinel-4 seront intégrées aux modèles CAMS, dotant le Service d’un outil encore plus puissant pour suivre les sources de pollution, prévoir les tendances en matière de qualité de l’air et soutenir les politiques environnementales et sanitaires. Les données amélioreront considérablement la précision et la synchronisation des prévisions de qualité de l’air dans toute l’Europe, offrant une image plus claire des points chauds de pollution et guidant les efforts d’atténuation.

Combler le fossé entre la surveillance de la qualité de l’air par satellite et au sol
Contrairement aux satellites en orbite polaire comme Sentinel-5P, qui fournissent des données quotidiennement, Sentinel-4 fournira des mises à jour toutes les heures pendant la journée dans toute l’Europe. Cela permettra au CAMS de mieux surveiller les changements diurnes de la qualité de l’air, d’améliorer les prévisions de pollution et d’alerter plus rapidement le public sur les épisodes de pollution. Les données permettront également de suivre les tempêtes de poussière sahariennes qui pénètrent en Europe, ce qui a un impact sur la qualité de l’air, la visibilité et la production d’énergie solaire.
Le CAMS fournit déjà des informations sur la qualité de l’air en utilisant une combinaison d’observations par satellite en orbite polaire, de réseaux de surveillance in situ de la qualité de l’air et de modèles de prévision. Sentinel-4 comblera le fossé entre la couverture satellite à grande échelle et les observations terrestres à haute fréquence, garantissant ainsi une image plus complète et continue de la qualité de l’air en Europe. Cette capacité unique permettra aux décideurs politiques, aux chercheurs et au public de recevoir des informations plus précises et plus actuelles que jamais.
Pourquoi les données horaires sont importantes
La plupart des mesures de la qualité de l’air reposent sur des stations au sol et des satellites en orbite polaire, qui ne fournissent, au mieux, que quelques instantanés des niveaux de pollution par jour. Cela signifie que les niveaux peuvent fluctuer considérablement d’une mesure à l’autre, ce qui rend difficile de réagir à des phénomènes en évolution rapide tels que les émissions aux heures de pointe, les pics soudains de pollution industrielle ou le transport à longue distance de la fumée des feux de forêt. Au moment où les données sont traitées et analysées, l’événement de pollution peut déjà être passé, ce qui limite la capacité des décideurs politiques et des agences environnementales à prendre des mesures en temps opportun.
Les mises à jour horaires de Sentinel-4 permettent de prévoir la qualité de l’air à court terme et en temps réel. Les autorités pourront ainsi identifier immédiatement les pics de pollution et réagir rapidement en émettant des alertes lorsque la qualité de l’air se détériore au-delà des niveaux de sécurité. Cette capacité améliorera les alertes de santé publique, offrant aux populations vulnérables, comme les enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de problèmes respiratoires, une meilleure protection contre l’exposition à des polluants dangereux. En fournissant des informations en temps quasi réel, Sentinel-4 facilitera également la prise de décision en matière d’urbanisme et de gestion du trafic, en aidant les villes à mettre en œuvre des mesures de réponse rapide, telles que des restrictions de circulation ou des ajustements des émissions industrielles, lorsque les niveaux de pollution augmentent de manière inattendue.
Ce passage à une surveillance continue de la qualité de l’air aidera les villes européennes à atteindre les objectifs de qualité de l’air, à réduire l’exposition à la pollution de millions de personnes et à favoriser de meilleurs résultats en matière de santé publique.

Soutenir les politiques de l’UE sur la qualité de l’air et la réduction de la pollution
L’urgence de la crise de la qualité de l’air est reconnue à l’échelle mondiale, ce qui a poussé les gouvernements et les institutions à mettre en œuvre des réglementations et des mesures de surveillance plus strictes pour protéger la santé publique. La Commission européenne a été à l’avant-garde de ces efforts, en déployant une série de politiques visant à réduire la pollution et à garantir un air plus pur sur tout le continent.
L’un des principaux outils législatifs visant à améliorer la qualité de l’air en Europe est la directive européenne sur l’air ambiant , qui fixe des limites juridiquement contraignantes pour les polluants tels que le dioxyde d’azote (NO2), le dioxyde de soufre (SO2) et les particules fines (PM10, PM2,5), obligeant les États membres à surveiller et à signaler la qualité de l’air. Cependant, le respect de ces limites reste un défi, en particulier dans les régions touchées par l’activité industrielle, le trafic intense et les incendies saisonniers. Au-delà de la fixation de limites légales, la Commission européenne a également élaboré des stratégies à long terme pour réduire la pollution à sa source. Le plan d’action « zéro pollution » vise à réduire de 55 % les décès liés à la pollution d’ici 2030, reconnaissant la pollution de l’air comme faisant partie d’une crise environnementale et sanitaire plus vaste. Pour atteindre ces objectifs, il faut une surveillance en temps réel pour identifier les points chauds de pollution et mettre en œuvre des mesures de réponse rapide. Les politiques de qualité de l’air recoupent également le pacte vert pour l’Europe , qui vise la neutralité climatique d’ici 2050 et donne la priorité à la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles, à la promotion de transports propres et à l’application de contrôles plus stricts des émissions industrielles.
Sentinel-4 fournira des données régulières et standardisées pour soutenir ces politiques, en fournissant des informations détaillées sur les niveaux de pollution, les sources d’émission et le transport transfrontalier de pollution. Cette surveillance continue renforcera les efforts de mise en œuvre et aidera les décideurs politiques à prendre des mesures éclairées. Alors que les villes européennes affinent leurs stratégies de qualité de l’air, Sentinel-4 veillera à ce que les politiques locales et nationales soient alignées sur les objectifs environnementaux plus larges de l’UE.
Préparation du lancement
Alors que le satellite MTG-S, qui transporte la charge utile Sentinel-4, se prépare à être lancé à l’été 2025, une visite en salle blanche à Brême permettra aux principales parties prenantes, aux scientifiques et aux représentants des médias de jeter un dernier coup d’œil avant qu’il ne soit transporté vers le site de lancement et intégré dans le lanceur. Ce sera la dernière occasion de voir le vaisseau spatial avant qu’il ne se lance dans sa mission.
Une fois en orbite, Sentinel-4 fournira des données sur la qualité de l’air parmi les plus avancées jamais collectées depuis une orbite géostationnaire, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère pour la surveillance de la qualité de l’air en Europe. La mission fournira aux scientifiques, aux décideurs politiques et aux agences environnementales les outils nécessaires pour suivre, comprendre et lutter contre la pollution de l’air, soutenant ainsi les efforts visant à construire un avenir plus propre et plus sain pour tous les Européens.
