EN ROUTE VERS 2050 : LA CORSE EN RÉTRO-GLISSADE AURÉOLÉE D’ÉCO-BLANCHIMENT.

Actuellement et jusqu’au 29 avril, une enquête publique liée à un projet de concession d’utilisation du domaine public maritime en dehors des ports pour la mise en place et l’exploitation de quatre coffres d’amarrage avec récifs éco-conçus dédiés aux navires de grande plaisance dans le golfe d’AJACCIO est en cours.  https://www.registre-dematerialise.fr/2953

La Coordination Terra (qui regroupe un grand nombre d’associations de protection de l’environnement ou de la santé en Corse) adresse au Commissaire enquêteur et aux autorités le texte ci-dessous et émet un avis très défavorable à ce projet.

Parce que la Corse a fait le choix politique et économique d’un tout tourisme dévastateur sans parvenir à faire respecter les lois environnementales et le PADDUC faute de moyens coercitifs, la Corse déroge aux règles ou s’arcboute sur des projets d’un autre siècle pour grappiller quelque menue monnaie au détriment de son principal atout, son immense richesse environnementale.

Publié le 4 avril dernier, le  dernier rapport du GIEC exhorte pourtant les régions et les villes à contribuer à un avenir net zéro carbone  en intégrant  des stratégies de réduction drastique de la consommation d’énergie fossile, grande pourvoyeuse des émissions de gaz à effet de serre, afin d’échapper à l’élévation funeste d’un réchauffement de 2,4 °C d’ici à 2100, voire 2,7 °C si on n’agit pas maintenant.

La mer Méditerranée est un « hot spot » du changement climatique en cours, ce qui constitue une véritable menace pour les espaces naturels, notamment les milieux marins et littoraux ainsi que pour la biodiversité qu’ils abritent.

Ni fiction, ni exagération : nous sommes à la croisée des chemins !
Les scientifiques affirment « c’est maintenant ou jamais » qu’il faut limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius en assurant la sécurité alimentaire, hydrique et sanitaire des populations, tout en améliorant la qualité du bâti (qualité de l’air intérieur, confort thermique..).

Entièrement incluse dans le sanctuaire Pelagos, particulièrement fréquenté par les navires, et dans un contexte énergétique inédit, à cause du chamboulement géopolitique créé par la guerre en Ukraine qui entraîne une hausse des prix de l’énergie comme nouvelle normalité, la Corse s’englue un peu plus dans une  économie mortifère, induite et planifiée par les lobbys nautique et touristique à travers les plans « Salvezza e rilanciu »  et « France Relance »  en favorisant  l’accueil des méga-yachts dans ses espaces les plus sensibles.
Ces yachts de la démesure consomment de 500 à 2000 litres de combustible fossile à l’heure, ce sont de véritables bombes de CO2, catapultées dans l’atmosphère déjà saturée de ce gaz à effet de serre qui ravage la planète et compromet la vie sur terre.

« Faute de moyens coercitifs* » ce mode de vie ostentatoire et prédateur sera accueilli avec complaisance grâce à l’organisation dans le Golfe d’Ajaccio pourtant classé Natura 2000, d’une offre adaptée « aux desiderata de cette clientèle de luxe *», au mépris le plus total d’une répartition équitable des efforts de sobriété attendus de la population locale.
*Dans le dossier.

Cette impuissance affichée de l’exercice du pouvoir de police dans les eaux littorales aura pour conséquences d’augmenter la pression sur l’air et la qualité des eaux.
Or dans un site Natura 2000 « zone spéciale de conservation », il est théoriquement obligatoire de veiller au maintien de l’état de conservation des habitats et des espèces. Sous le prétexte de protéger les posidonies, on encourage au contraire les grandes unités de plaisance extrêmement polluantes à venir dans le golfe d’Ajaccio et à y stationner, dérangeant un peu plus l’ensemble de la faune dont de nombreuses espèces sont pourtant aussi protégées que la posidonie.

Entre la centrale du Ricanto, les retombées de la pollution automobile
(voitures, camions, transports en commun), la pollution permanente des décollages et des atterrissages des avions, les rejets des stations d’épuration, les rejets autorisés par dérogation des eaux de lavage des fumées des navires de la Corsica Linea dans les eaux du port, le ballet incessant et polluant des navires de croisière, des méthaniers, des pétroliers, des navires militaires, de la multitude de bateaux de plaisance à moteur dont le rejet des gaz d’échappement s’effectue directement dans la mer et  les méga-yachts de 60 à 90m de long : C’est un cocktail polluant toxique qui empêchera le Golfe d’atteindre le bon état écologique espéré.

La population perdra la qualité de ses eaux de baignade, la biodiversité subira les impacts dégradants induits et les espèces invasives feront flores, détruisant au passage ce fragile écosystème indispensable à la vie.
Bruits, lumières et déchets participeront, eux aussi, à cette profonde destruction irrémédiable, sans oublier la pollution sonore sous-marine provoquée par la cavitation des hélices qui dévaste les plantes aquatiques devenues incapables de stocker le dioxyde de carbone, accélérant d’autant le changement climatique.

Tout cela est rendu possible par le choix de traiter ces dossiers « au cas par cas », ce qui dispense ces projets d’un autre temps de l’avis éclairé de la haute autorité environnementale et d’étude d’impact.

  • Comment accepter que la population subisse les conséquences de cette pratique de consommation énergétique démesurée, incompatible avec les engagements écologiques ?
  • Comment accepter cette rupture caractérisée d’avec le monde social ordinaire, qui en subira les conséquences désastreuses ?
  • Comment accepter qu’une poignée de décideurs prenne des décisions en totale opposition aux Droits légitimes des citoyens sur leur cadre de vie, eux qui luttent déjà pour survivre.
  • Les décisions prises aujourd’hui doivent absolument garantir un monde viable demain !

Morale, Justice, Equité, sont des mots qui semblent avoir perdu leur sens, noyés dans le miroir aux alouettes d’un monde en perdition !

Les méga-yachts peuvent aussi sur simple appel téléphonique, obtenir l’autorisation de mouiller aux Sanguinaires sur des fonds > 50m.
Les résultats du réseau de surveillance ROCCH (ex-RNO) ont mis en évidence des seuils plus élevés que la moyenne de Cadmium, Zinc, Vanadium et Plomb (pointe de la Parata et Port d’Ajaccio).

LA DÉROGATION CORSICA LINEA FAIT DES VAGUES

  • Pour les Collectifs Citoyens Méditerranéens  
                                    Madame Barbara Pompili
                                    Ministre de la transition écologique  et solidaire                                                                                                                      Le 01 mars 2022
    Objet : Création de la future zone ECA Méditerranée / Tribune des maires des villes riveraines du 7 février 2022 parue dans le Monde à l’initiative de Monsieur Benoit Payan maire de Marseille 
     
                                                           Madame la Ministre
     
     Suite à la parution de la tribune de 25 maires des pays riverains de la Méditerranée dans le MONDE le 7 février 2022 intitulée « NOTRE JARDIN COMMUN, LA MÉDITERRANÉE, SE MEURT, ET NOUS NE POUVONS RESTER SILENCIEUX, nous avons eu l’opportunité grâce à BFMTV Toulon Var, et aux noms de différents collectifs citoyens d’y réagir le 8 février 2022 à l’antenne en direct.  
    Dans cette  tribune les maires signataires appellent  à une anticipation des mesures de protection de l’air et de la santé des riverains du bassin méditerranéen menacée par les émissions des gaz d’échappement des navires de commerce , par la  création d’une zone ECA ( Emission Control Area ) 0,1% de soufre en Méditerranée , ce que nous approuvons totalement .
    Les gouvernements riverains se sont déjà mis d’accord pour que cette mesure entre en vigueur au plus tard en 2025.
    Nous tenons à vous rappeler qu’une nouvelle réglementation entrée en vigueur le premier janvier 2020, rédigée par l’OMI (Organisation Maritime International), limite déjà les émissions de soufre des navires à 0,5%. 
    Pour cela les armateurs doivent embarquer (et utiliser) un fioul lourd contenant moins de 0,5% de soufre. 
    Sauf que ce texte de l’OMI prévoit également qu’un navire équipé de système de réduction des émissions de soufre peut continuer à utiliser le fuel lourd le moins coûteux contenant 3,5% de soufre. Cet article L218.2  repris par le Code de l’environnement Français a eu pour conséquence une ruée des armateurs sur les « scrubbers » ( laveurs de fumées )  pour équiper leurs navires  et ainsi de se débarrasser à moindre coût des 3% de soufre interdits par le nouveau règlement en les rejetant directement dans la mer après un vague traitement chimique permettant de rehausser le PH des effluents !
    Plus localement nous sommes fort surpris de constater que l’armateur CORSICA LINEA assurant les liaisons maritimes avec la Corse au départ de Marseille dans le cadre d’un service public, donc subventionné avec de l’argent public, se soit empressé d’équiper tous ses cargos-mixtes de scrubbers utilisés en circuit ouvert (à l’exception du Monte d’Oro trop âgé ! .
    J’ajoute qu’une loi purement Française entrée en vigueur le 1 janvier 2022 interdisant l’usage des « scrubbers » à moins de 3 milles des côtes a été rendue de facto caduque par ce même armateur qui a obtenu AVANT même la parution de cette loi une dérogation lui assurant de pouvoir continuer à utiliser ses navires équipés de scrubbers circuit ouvert et rejetant leurs effluents tout au long de nos côtes jusqu’en 2026 . 
    Ceci alors que Corsica Linea pourrait très  bien respecter la loi simplement en utilisant du fuel lourd à 0,5% de soufre … ne serait-ce que dans cette petite zone de trois milles.
    C’est pourquoi nous souhaitons que vous mettiez tout ce qui est en votre pouvoir  pour que les représentants permanents de la France à l’OMI soient particulièrement vigilants lors de l’élaboration de cette prochaine réglementation de l’OMI, sa rédaction définitive pour la création de la zone ECAMED doit être absolument exemplaire ,d’autant que ce sera la plus grande zone ECA au monde.
    La mer Méditerranée est la mer la plus polluée du monde , le doublement du canal de Suez opérationnel en 2015 a permis de multiplier par deux le trafic journalier des navires , 25% du trafic  maritime mondial transite en Méditerranée ,c’est pour cela que nous pensons que la Méditerranée doit bénéficier d’un règlement spécifique de l’OMI interdisant purement et simplement  l’usage de tout combustible dont la teneur en soufre dépasse 0,1% (de soufre), ce qui ne laisserait aucune porte de sortie aux armateurs souhaitant utiliser des scrubbers, contrairement à ce qui s’est produit récemment en 2020 et 2022 .
     
    Restant à votre disposition pour toute information complémentaire, recevez Madame la Ministre de la mer / l’écologie nos salutations citoyennes engagées et vigilantes. 
    Commandant et Chef mécanicien de Car-ferry en retraite
    Pour les Collectifs Citoyens et Associations  ci-dessous :
    • XR Marseille
    • Youth for climate Toulon
    • Greenpeace Montpellier
    • Climat Zéro Fossile Toulon et Environs
    • Greenpeace Marseille
    • Attac Toulon
    • ANVCOP21.13
    • Alternatiba Marseille
    • J’agis pour les animaux Toulon var ouest » (L214)
    • FNE13 
    • Respirer tue 
    • Les amis de la terre 
    • Collectif Urgence Climatique 83
    • Cap au Nord
    • Attac Marseille

Solange OOSTENBROEK – Entretien avec Le Garde : L’urgence climatique

L’URGENCE CLIMATIQUE
ENTRETIEN AVEC LE GARDE par Solange OOSTENBROEK
REDACTION :
Pensez-vous proposer cette année « une marche pour le climat et la justice sociale » samedi 12 mars prochain ?
GARDE
Nous l’espérons, il est indispensable aujourd’hui de « nous faire entendre » ! Élus, États doivent répondre aux inquiétudes légitimes des peuples. Pour des raisons sanitaires, nous n’avons pas pu organiser cette manifestation « familiale » les années précédentes avec la Coordination TERRA et nous attendons la parution du deuxième rapport du GIEC le 28 février. Ce rapport fera le point sur les impacts passés et futurs du changement climatique. Nous avons peu de chance d’avoir de bonnes nouvelles. Une version préliminaire de ce texte, montrait que la vie telle que nous la connaissons allait inéluctablement être bouleversée à court terme sur presque tous les continents. Le monde voit d’ailleurs déjà de ses propres yeux les catastrophes qui sont déjà à l’œuvre avec les souffrances qui en découlent.
Parler d’urgence climatique n’est pas un vain mot mais bien une terrible réalité à laquelle il faut faire face tout de suite pour prendre des mesures immédiates. Le Garde a d’ailleurs souhaité alerter l’opinion à l’issue de la Cop 26 * en organisant une conférence intitulée « Comprendre les impacts du changement climatique ». Ce rendez-vous climatique local rappelait que la Corse n’échappe pas à l’urgence…
REDACTION
Cette conférence était organisée le 17 novembre dernier au centre commercial des Salines. Quel en était le but ?
GARDE
Notre but était de fournir à tous des clés pour comprendre les changements climatiques qui s’opèrent en Corse afin d’imaginer des solutions locales à des problèmes dorénavant récurrents. On ne peut résoudre un problème que si l’on en connaît les données exactes, pour se poser les bonnes questions. Voilà le sens donné par le Garde à cette initiative.
REDACTION
Pour cela le Garde avait invité un spécialiste pointu en la personne de Patrick RÉBILLOUT, chef du centre de Météo-France à Ajaccio. Quel bilan tirez-vous de sa présentation ?
GARDE
Patrick RÉBILLOUT a produit une démonstration très claire et très détaillée de l’aggravation des phénomènes climatiques en Corse. Ils sont de plus en plus extrêmes, de plus en plus fréquents : sécheresses avec risques accrus d’incendies, précipitations diluviennes avec inondations, vents et orages violents, canicules, perte de la biodiversité terrestre et marine. Les données présentées rejoignent le rapport publié conjointement en mars 2021 par les services de l’Etat (à travers la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – DREAL -) et la Collectivité territoriale sur les effets du changement climatique en Corse. La conclusion de cette étude, confiée au CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), pointait trois facteurs essentiels du changement climatique insulaire : l’élévation de température, les modifications de régimes hydriques et l’élévation du niveau de la mer, la bande littorale étant prioritairement concernée.
Aussi, la conférence de Patrick REBILLOUT est-elle venue aiguiser notre conscience : nous léguons une énorme « dette climatique » aux jeunes générations qui vont devoir subir un climat de plus en plus déstabilisé et affronter de plus en plus de catastrophes naturelles. Pour nous, ce n’est pas le moment de baisser les bras mais de réinterroger notre modèle économique, nos choix, nos modes de consommer, d’aménager et d’urbaniser notamment.
REDACTION
Vous faites le lien entre changement climatique et modèle économique, pour quelle raison ?
GARDE
Le modèle économique mondial dominant est le modèle de la croissance (mesuré en PIB, Produit intérieur brut). Basé sur la recherche de croissance à l’infini, il ponctionne toujours plus les ressources de la planète (extraction d’hydrocarbures, exploitation de minerais, déforestation, perte de biodiversité, production de déchets, sur-fréquentation du tourisme, BTP…). Il s’agit d’un modèle exclusivement prédateur. Plus on produit dans ce cadre de croissance infinie, plus on saccage la planète. Les études scientifiques montrent à quel point la corrélation est forte entre PIB et dévastation écologique : plus l’indicateur quantitatif de croissance augmente, plus augmentent les émissions de gaz à effet de serre (GES) et plus on s’éloigne de l’objectif pourtant prioritaire et urgentissime : réduire le réchauffement climatique dû notamment au GES. La Corse n’échappe pas à l’urgence climatique car elle n’échappe pas à ce modèle. Deux exemples actuels : la dérogation accordée par l’Etat à Corsica Linea l’autorisant à rejeter les eaux de lavage des fumées des navires alimentés en fioul lourd dans la bande des 3 milles, cela pour des raisons d’équilibre financier de la compagnie, ainsi que les multiples projets d’installations destinés à l’accueil de la « grande plaisance » (bateaux à moteur ou voile de plus de 25m). Si l’on considère l’argent public investi et les pertes environnementales induites, où est l’intérêt pour l’environnement de la Corse et pour la majorité des Corses ?
REDACTION
Les ressources planétaires ne sont pas éternelles, la prédation cessera de fait ?
GARDE
Oui, le modèle « tout croissance » est mathématiquement impossible dans un monde de ressources fini. Tout le monde a connaissance de l’image : il faudrait cinq planètes pour vivre au rythme de la croissance américaine, 2,7 planètes pour vivre au rythme de la croissance française. Ce modèle n’est pas « soutenable », il n’est pas « durable », c’est-à-dire qu’il n’est pas viable pour la nature, non vivable pour les sociétés, non équitable socialement. De toute façon, il touche à sa fin ; il ne résistera pas au changement climatique en cours, il risque même de s’effondrer brutalement.
REDACTION
Pourtant, les pays du monde entier ne rêvent que d’une forte croissance, qu’élever leur PIB, est-ce à dire qu’ils rêvent d’une situation en contradiction avec le discours ambiant sur les réductions des GES, qu’ils prônent par ailleurs ?
GARDE
La contradiction est tout à fait flagrante. Plus on augmente la croissance plus on génère d’émissions de GES, tout en se gargarisant de discours vertueux sur une croissance verte ou un développement dit durable ! La jeune Greta Thunberg a raison lorsqu’elle lançait aux responsables du monde entier son virulant « bla bla bla, bla bla bla » le 28 septembre dernier au Sommet des jeunes sur le changement climatique, en amont de la Cop 26.
REDACTION
L’évolution du PIB indique finalement le niveau de prélèvement des ressources naturelles et le niveau de GES sans être l’indicateur économique et financier capable d’en rendre compte. Il manque un indicateur spécifique pour mesurer le coût de l’appauvrissement de notre capital Nature, le coût de sa protection, celui de la compensation des impacts négatifs ?
GARDE
Effectivement. Mesurer la richesse produite par le seul PIB est non seulement totalement insuffisant, mais cela n’a plus aucun sens. Le PIB ne mesure pas les progrès sociaux, en cela la croissance n’est pas nécessairement une amélioration du bien-être de la population, il creuse les inégalités et ne prend pas en compte de nombreux paramètres, il ne tient pas compte des effets négatifs induits par les diverses pollutions engendrées, et surtout, il n’intègre pas le prélèvement des ressources non renouvelables, la disparition de la biodiversité. Il est donc urgent d’évaluer l’ensemble de ces impacts sur l’environnement pour définir la réalité de la richesse produite.
En Corse, les impacts relatifs aux deux exemples cités précédemment : rejet des eaux de lavage des fumées des ferries de Corsica Linea et futurs projets d’installation pour la grande plaisance devraient être pris en compte dans la mesure de la croissance insulaire.
REDACTION
Quel type d’indicateur serait approprié pour en tenir compte ?
GARDE
La notion d’empreinte écologique (ou empreinte carbone) qui permet de mesurer réellement l’impact de l’Homme sur son environnement nous semble appropriée. Plus concrètement, il s’agit d’une méthode de calcul capable d’estimer la consommation de ressources prélevées sur le capital Nature ainsi que le coût des atteintes portées à l’environnement, notamment les rejets de GES…. L’empreinte écologique fait la différence entre une croissance prédatrice et un développement soutenable, pour l’Homme, la biodiversité et la planète.
REDACTION
Des réponses technologiques permettant de réduire les GES sont mises en œuvre progressivement, n’y a-t-il pas de quoi avoir confiance en nos capacités à s’adapter ?
GARDE
Bien sûr, mais sans changer radicalement de modèle économique devenu modèle financier, point de salut : la recherche de rentabilité, donc celle des coûts de production les plus bas, a toujours raison de notre génie technologique. On bute sur les coûts de la main d’œuvre, favorisant les délocalisations ainsi que les importations et leurs cortèges d’émissions de gaz à effet de serre. On bute en permanence sur les investissements industriels réalisés pour un temps très long qui freinent le financement de la transition écologique. Bureaux d’études et chaînes de production industrielle sont réglés sur le long terme. Au total, on tourne en rond on perd du temps et la précarité s’accroît.
REDACTION
La Cop 26 vous a-t-elle tout de même apporté quelques raisons d’être optimistes, voyez-vous des avancées réelles ?
GARDE
Cette fois les dirigeants de la planète ont discuté de choses concrètes, comme la fin des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz), premières sources de gaz à effet de serre. C’est la première fois que sont menés ces débats jusqu’à la déclaration finale. Et, surprise : la France ne financera plus de projets d’exploitation d’énergies fossiles à l’étranger d’ici fin 2022. Enfin, dès l’année prochaine, les pays devront s’engager de manière plus volontaire et plus ambitieuse en faveur du climat.
REDACTION
Si le contexte évolue favorablement, est-il réaliste de vouloir changer radicalement de modèle économique ?
GARDE
Quel est l’enjeu ? Celui de la vie sur terre.., de la survie de l’espèce humaine, dorénavant possible ou non, du fait que les conditions de vie y sont menacées. En Corse, comme partout, les éléments indispensables au développement de la vie, l’eau, l’air, le sol, la température sont menacés. La réponse à cet enjeu majeur de la vie sur terre nécessite une approche qualitative radicalement opposée à celle de l’accumulation et de la prédation, fondations de notre modèle. La Corse n’échappe pas à la sur-prédation, à la dette laissée à ses enfants, à l’urgence de repenser son modèle économique essentiellement tourné sur le « tout tourisme ». D’autres pays s’y sont essayés avant de constater qu’au bout de quelques années les touristes se lassent et partent sous d’autres cieux plus « naturels » en laissant derrière eux des terres en friches.
REDACTION
Comment pouvons-nous tendre vers un modèle de développement soutenable pour la Corse ?
GARDE
Individuellement, nous pouvons agir sur notre niveau de consommation. Collectivement nous pouvons modifier nos modes de produire l’énergie, nos transports, la gestion des déchets, l’agriculture, le tourisme dans le cadre des objectifs de la COP 26, en diminuant les rejets de GES. Nous pouvons repenser nos choix économiques, notre urbanisation (galopante) pour anticiper les catastrophes que nous connaissons. Nous pouvons revoir notre stratégie touristique, qui accroît le phénomène de prédation. Nous devons remettre en question la dérogation concernant le rejet des eaux de lavage des fumées des navires et les aménagements destinés à l’accueil de la « grande plaisance ». Ces choix ne vont pas dans le bon sens. Par ailleurs, et depuis des années, la plupart des sites naturels posent la question des seuils de tolérance. Si l’on ne borne pas leur accès, certains de ces lieux seront bientôt fermés au public. Total tout le monde y aura perdu : les acteurs économiques locaux comme les touristes, la Corse comme son image. Tout cela faute de savoir prendre à temps les mesures qui s’imposent pour maîtriser les flux. Le tourisme maîtrisé, voilà un exemple type de développement soutenable à privilégier en Corse plutôt qu’étendre indéfiniment l’offre touristique tous azimuts comme les nouvelles installations destinées à l’accueil de bateaux de plaisance de plus en plus grands. Globalement, nous pouvons articuler notre développement sur les équilibres à trouver entre production de richesses et sauvegarde de notre patrimoine naturel.
Nous disposons des outils nécessaires à la maîtrise du développement tant sur le littoral qu’en montagne. Le Padduc (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) qui va nous engager pour les années charnières à venir doit analyser avec précision ce qu’il est souhaitable et possible de faire croître dans l’objectif de valoriser notre terre et d’y faire « vivre bien » tous ses habitants. Il est surtout le document clé capable d’intégrer les adaptations indispensables à réaliser pour anticiper les catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique : élévation du niveau de la mer, perte de biodiversité, manque de production vivrière de proximité, sécheresses, canicules, manque d’eau, incendies, pollutions… Il y a urgence à le voir appliquer en ce sens. Il est temps mais accélérons. Accélérons le changement de direction économique ! Il est encore temps d’agir ! Agissons !

 

 

 

 

 

Cop : Conférence mondiale sur le changement climatique initiée par les Nations Unies à la suite du Sommet de la terre de Rio en 1992

L’ÉTAT EN GUERRE CONTRE LA NATURE !

C’est encore une affaire de béton et de destruction à PORTICCIO :
Le projet « Fortimmo » du groupe ROCCA, 2ème version, a été soumis à l’avis du Conseil National de la Protection de la Nature.
Un avis édifiant qui prouve encore une fois, le mépris de la Nature en Corse et surtout l’affront indigne infligé aux deux « Hommes debout » qui ont osé arrêter ce chantier.
Sacrifiés par leurs supérieurs asservis à la Loi locale, où il est préférable de surtout « ne rien voir », et d’accepter en silence que les immenses richesses naturelles de l’île soient pulvérisées pour ne pas contrarier « les projets lucratifs » de quelques-uns.
Ces fonctionnaires cloués au pilori par un établissement public à la déontologie bien singulière, ont dû quitter la Corse, poussés par leurs collègues et leur hiérarchie, qui ne voulant pas travailler sur ces dossiers sensibles, souhaitent continuer à regarder ailleurs.

trois singes

Pour satisfaire les « bétonneurs » en Corse, l’État déroge et sacrifie la nature sans état d’âme, main dans la main avec les élus.
Mais pour déroger encore faut-il que le projet présente des « raisons impératives d’intérêt public majeur », que la recherche d’alternatives moins impactantes sur les espèces protégées en présence ait été réalisée et que cet impact « ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle »
Alors que l’effondrement de la biodiversité est indiscutable aujourd’hui, en Corse, la faune et la flore sont livrées aux engins de chantier sans aucune réserve.

                        

Et bien NON, lorsqu’on est à quelques mètres d’un espace remarquable classé Zone Naturelle d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique, à proximité immédiate de sites Natura 2000, au cœur de l’habitat des tortues d’Hermann, on doit s’attacher à évaluer objectivement les impacts sur les milieux, et ne pas réaliser de travaux de terrassement sans autorisation environnementale.
Le PADDUC décline les couloirs écologiques et définit les espaces stratégiques environnementaux qui doivent être respectés.

Réalisés sur plus de 6 hectares sans autorisation environnementale, il est en outre évident que de tels travaux, en plus de détruire des espèces protégées et leur habitat, perturbent aussi l’écoulement des eaux sur ce secteur.
Dans la note d’analyse du nouveau projet présenté et soumis à l’évaluation du Conseil National de la Protection de la Nature, le promoteur ayant délibérément fait le choix de compenser au lieu d’éviter ou de réduire les impacts cumulés, le Conseil National de la Protection de la Nature propose soit l’abandon du projet avec restauration du milieu terrassé, soit une compensation de 10 pour 1 :
Ce qui correspond à la mise en gestion pendant 60 ans de 30 hectares pour les seuls 3 hectares terrassés sans autorisation, ou 54 hectares pour la réalisation complète du projet.
En conclusion le Conseil demande :
«- toutes les demandes de modifications énoncées dans cet avis doivent être satisfaites avant de resoumettre un nouveau projet.
En outre, c’est le second dossier de régularisation pour le groupe immobilier Rocca, et ce n’est pas acceptable.
Pour la seconde fois, il est rappelé qu’il est obligatoire pour tout projet d’envergure de respecter le code de l’urbanisme et le code de l’environnement afin d’éviter de telles procédures de régularisation. »

La première fois à laquelle fait référence le CNPN c’était déjà les deux mêmes personnes qui avaient « levé le lièvre » et obligé l’Etat à faire son travail.
C’est à croire qu’en Corse personne ne voit les travaux illégaux, personne ne les entend et personne n’en parle au procureur de la République, pourtant ceux-ci sont souvent indiqués par de grandes grues.
Même dans la tempête violente de l’effondrement écologique actuel surtout surtout surtout…ne pas faire de vague !

Pour rappel : https://reporterre.net/En-Corse-la-frenesie-immobiliere-met-en-danger-les-tortues-d-Hermann
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033034252/

NON À LA MODIFICATION DE LA LOI LITTORAL !

Les associations corses de protection de l’environnement :

ABCDE : Association Bonifacienne Comprendre et Défendre l’Environnement

APLAPDL : Association Pour le Libre Accès aux Plages et la Défense du Littoral

GARDE : Groupement d’Ajaccio et de la Région Corse pour la Défense de l’Environnement

U LEVANTE

Corti, le 11 février 2022

à Monsieur Canévet, sénateur, 7, rue du Palais, 29000 Quimper

Objet : non à la modification de la loi Littoral

Monsieur le Sénateur,

Votre proposition de loi n° 307 a été enregistrée le 15 décembre 2021 au Sénat. Elle vise « à aménager certaines dispositions de la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dite « loi Littoral ».

Le 3 janvier 1986 la loi dite « loi Littoral » confirme la philosophie de l’aménagement du littoral, à savoir recul de l’urbanisation en arrière des côtes (plus loin que les espaces dits « espaces proches du rivages EPR »).

La loi Elan du 23 novembre 2018 poursuit le même objectif en affirmant que seuls les villages et les agglomérations sont densifiables dans les Espaces proches du rivage (EPR).

Monsieur le Sénateur, votre proposition de loi va à l’encontre des objectifs historiques désormais bien ancrés et vise à affaiblir encore davantage la loi Littoral :

1 – La densification d’espaces urbanisés non constitutifs d’une agglomération ou d’un village serait désormais possible dans les EPR et dans les secteurs où il n’y a pas d’assainissement collectif. Cette disposition serait contraire au principe d’aménagement en profondeur en arrière de la côte. Il faut au contraire réinstaller des activités du bord de mer en arrière de la côte en raison du recul du trait de côte. Cet amendement serait contradictoire avec la loi climat votée cet été.

2 – Les constructions seraient possibles dans les campings. La loi Littoral n’interdit ni la rénovation ni l’extension mesurée des bâtiments d’accueil des campings. Mais votre proposition transformerait très vite les campings en « zones agglomérées » !

 Les installations photovoltaïques pourraient être implantées « dans des espaces artificialisés » . C’est une notion vague. Les tribunaux administratifs ont établi une jurisprudence totalement contraire à votre proposition puisqu’elles doivent respecter le L. 121-8 du CU.

La loi Littoral du 3 janvier 1986 a été modifiée en 2018 dans l’intérêt des propriétaires privés. Il est désormais de l’intérêt public de résister fermement à leurs nouvelles pressions.

En conclusion, votre proposition de loi va dans le sens contraire de l’histoire du droit du littoral. À force d’assortir le 121-8 d’exceptions, il n’en restera bientôt plus grand-chose !  Les associations corses signataires de la présente s’opposent à vos propositions et vous demandent d’y renoncer.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de nos respectueuses salutations.

La Présidente de l’association ABCDE

Le Président de l’association APLAPDL

La direction collégiale de l’association GARDE

   La direction collégiale de l’association U LEVANTE

Copie à : Madame B. Pompili, Ministre de la transition écologique – Madame J. Gourault, Ministre de la cohésion des territoires – Messieurs J.-F. Acquaviva, M. Castellani, P.-A. Colombani, J.-J. Ferrara, députés de Corse – Monsieur P. Parigi, sénateur de Corse – Monsieur G. Simeoni, Président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse – Madame M.-A. Maupertuis, Présidente de l’Assemblée de Corse – Monsieur A. Schwartz, Président de FNE.