COMMENT L’ÉTAT DÉBOULONNE LE DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

En  application d’un  décret de 2017,  une expérimentation a été menée pendant deux ans dans 2 régions, 17 départements et 3 territoires ultramarins, afin de permettre aux Préfets de déroger à des dispositions réglementaires dans l’objectif d’accompagner et de faciliter la réalisation de projets publics ou privés sur ces territoires.

Au regard de l’évaluation  réalisée à son terme par l’État, le Gouvernement a décidé de généraliser cette possibilité de déroger à des normes réglementaires par un décret du 8 avril 2020 (publié en catimini pendant le confinement).

Toujours selon l’analyse de l’État, ce système de dérogation  répondrait  à une  attente des élus et des acteurs locaux.

  • Cette possibilité  a donc été reconduite par une circulaire du Premier ministre du 6 août 2020.

Afin d’accélérer les procédures et d’alléger les démarches administratives des porteurs de projet, (si le projet est justifié par un motif d’ »intérêt général » adapté aux circonstances locales), les préfets peuvent ainsi déroger à toute une série de normes environnementales en exonérant un particulier, une entreprise ou une collectivité, de normes réglementaires ou d’obligations  administratives  applicables dans certains domaines.

Le Gouvernement confère ainsi aux Préfets le droit de déroger aux règles de procédure et aux dispositions réglementaires de :

1)      l’octroi des aides publiques : Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques ;

2)      Emploi et activité économique;

3)      Activités sportives, socio-éducatives et associatives

4)      Aménagement du territoire et politique de la ville;

5)      Construction, logement et urbanisme;

6)      Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;

7)      Environnement, agriculture et forêts ;

Mais en fait, ces dispositions  n’ont fait que fixer par anticipation les grands principes de la Loi ASAP (Accélération et Simplification de l’Action Publique) présentée le 05/02/2020 par Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, et Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics :

«  Avec ASAP nous allons faire en sorte que cet outil soit le plus moderne, le plus proche et le plus efficace possible »

–          86 commissions seront supprimées, mais la loi est nécessaire pour la suppression de 18 d’entre-elles.

–          230 sous-préfets accompagneront les projets afin de sécuriser juridiquement les porteurs de projet des changements réglementaires en cours de procédure.

En évoquant la nécessité d’accélérer les installations industrielles pour développer l’activité et l’emploi sur les territoires, le Gouvernement entend bien limiter de façon drastique le nombre de commissions consultatives. Les Préfets ont donc les mains libres.

Par exemple : afin de simplifier les procédures applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement, ils pourront ainsi :

  • Apprécier l’opportunité ou non de consulter le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST)
  • Laisser le choix entre une consultation électronique du public et une enquête publique pour les projets ne nécessitant pas une évaluation environnementale,
  • Autoriser le démarrage anticipé d’une partie des travaux, aux frais et aux risques du demandeur.

Ce projet de loi ASAP va donc instituer cette possibilité de dérogation de façon définitive en supprimant certaines commissions, en limitant l’information des Élus et en privant le public des informations dispensées lors des enquêtes publiques par les commissaires enquêteurs.

L’État conçoit la norme et la consultation du public comme des contraintes..,

Pour nous, elles permettent de protéger les personnes, la santé et l’intérêt général !

Dans ce projet de Loi ASAP :

1)      L’article 24 donne la possibilité aux Préfets d’organiser OU NON  la consultation du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, (conseil des sites), en fonction des enjeux et de la sensibilité du projet concerné.

2)      L’article 25 donne la possibilité aux préfets de dispenser l’industriel d’enquête publique et de la remplacer par une simple consultation publique.

Or, les deux processus sont très différents :

  • L’enquête publique est menée par un commissaire-enquêteur qui organise des réunions physiques, accueille les riverains, recueille leurs remarques et rédige un rapport… Le rôle du commissaire est important, il fait de la pédagogie en expliquant les procédés et en vulgarisant les termes techniques.
  • La consultation publique se passe uniquement en ligne et bénéficie de moins de publicité.

***Cet article 25, rejeté par l’Assemblée Nationale en première lecture  a été représenté par le Gouvernement le vendredi 2 octobre après 20 heures pour obtenir son rétablissement par un tout petit nombre de Députés

Le fonctionnement de la représentation parlementaire est bafoué,  la mission des commissaires enquêteurs est censurée et les citoyens sont évincés !

3)      L’article 26,  prévoit que les travaux pourront même commencer avant que l’autorisation environnementale ne soit délivrée. Cette autorisation permet pourtant de vérifier que le projet (usine, entrepôt, par exemple) a bien pris en compte toutes les conséquences sur l’eau, la biodiversité, l’air, etc… Il sera donc possible de détruire à coup de bulldozers la biodiversité… avant d’avoir l’autorisation de le faire !

La politique du fait accompli sera donc légitimée pour satisfaire au dessein d’une économie de court terme, dicté par les lobbies qui imposent leur vision  sur les territoires en laissant à la libre appréciation des Préfets les éventuelles  atteintes à la biodiversité,  à l’air, à l’eau, à la flore, à la faune, à notre cadre de vie et à notre santé…

Or l’effondrement de la biodiversité est un fait,  le bouleversement du climat est une réalité…

Vouloir défier la Nature à coup de dérogations préfectorales au droit de l’environnement, c’est faire courir un risque très grave à notre communauté insulaire.

Des dérogations comme à la Faute sur Mer – lieu de la tempête Xynthia sur des zones littorales où des constructions n’auraient jamais dû se faire – ont montré combien l’Humain paie un lourd tribut  à ces « cumbriccule/cumbine » même officielles.

Nos demandes :

  • Installation du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGDD) placé sous l’autorité du Ministre. (P.J)
  • Installation d’un Juge spécialisé en droit de l’environnement,
  • Renforcement de la police de l’environnement placé sous le contrôle direct du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable.
  • Les Maires doivent s’impliquer davantage dans les projets des promoteurs afin de ne pas enlaidir leur commune et de ne pas porter atteinte à la qualité de la vie de leurs concitoyens.

Alors que la crise Covid  prouve l’extrême fragilité du vivant et de la politique actuelle du tourisme, cette abondance de béton est-elle judicieuse ?